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Sommets de l'Elysée: des ruptures dans la continuité

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RFI   mercredi 04 décembre 2013 à 23:58

 

Depuis la première édition du grand raout France-Afrique en 1973, Paris et ses alliés du continent noir se sont réunis en sommet à 25 reprises. Véritable vitrine d’une relation historique souvent caricaturée, les sommets France-Afrique s’inscrivent dans une relation diplomatique à souffle long, marquée du sceau de la complexité. Le sommet de l’Elysée convoqué par le président François Hollande entend dépoussiérer les relations franco-africaines.

 

« La France ne serait plus tout à fait elle-même aux yeux du monde, si elle renonçait à être présente en Afrique, aux côtés des Africains, pour être à côté d’eux tout simplement, pour contribuer à construire un cadre de paix, de démocratie et de développement, pour réussir ensemble une grande aventure humaine, au pire des difficultés, mais en gardant ses vieilles traditions, ses fortes cultures, et cette nature des hommes qui espèrent et qui croient toujours en la chance de l’humanité. »

 

Ainsi parlait François Mitterrand au sommet franco-africain de Biarritz, en 1994, faisant ses adieux à une communauté dont il avait su sceller le destin grâce à sa sensibilité « très proche de la sensibilité africaine », pour citer son vieux compère ivoirien Houphoüet-Boigny. Dans ce discours du président français de l'époque, Il y avait tout : le poids de l’histoire, la philosophie, mais aussi les ambitions et les contradictions entre les intérêts et l'idéalisme qui, au cours des décennies, ont orienté les relations complexes entre la France et l’Afrique.

 

A la veille de l’ouverture d’un nouveau sommet à l’Elysée, présenté comme un tournant dans la politique africaine de Paris, il est utile de rappeler les propos de François Mitterrand, qui en disent long surtout sur l’esprit qui a fondé ces grands rendez-vous entre Paris et ses alliés africains.

 

Le « syndrome Foccart »

 

C’est à l’initiative du chef de l’Etat nigérien Hamani Diori que le premier sommet franco-africain s’est tenu le 13 novembre 1973 dans la capitale française, sous la présidence de Georges Pompidou. L’objectif était d’offrir un nouveau cadre de dialogue entre la France et l’Afrique francophone qui, malgré les indépendances, avaient du mal à sortir de son face-à-face colonial.

 

A l'époque, il s’agissait d’un cadre encore modeste, dans la mesure où cette première édition de ce qui allait devenir plus tard le grand raout franco-africain ne réunissait que sept chefs d’Etat ou de gouvernement et quatre délégations ministérielles.

 

L’habileté de ses concepteurs résidait ailleurs, comme l’a si bien expliqué l’historien Jean-Pierre Bat dans son opus consacré à la politique africaine de la France, Le syndrome Foccart(Collection « Folio Histoire », Gallimard). Foccart, du nom du conseiller de Charles de Gaulle et de Georges Pompidou pour les affaires africaines et malgaches, entre 1959 et 1974.

 

Un sommet tous les ans

 

« La subtilité consiste à disposer, aux yeux de l’opinion internationale, écrit Jean-Pierre Bat,d’un forum de concertation mutuelle qui place officiellement sur un pied d’égalité ses membres tout en réaffirmant le lien particulier de la France envers l’Afrique. »

 

Autrement dit, avec l’organisation de cette première réunion au sommet en 1973, les relations franco-africaines sont entrées dans l’ère post-coloniale, même si ces grandes rencontres continueront pendant encore longtemps de symboliser aux yeux de leurs pourfendeurs le maintien d’une forme de domination de l’ex-métropole.

 

C’est sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing que se déroule en 1975, à Bangui (Centrafrique), la deuxième édition du sommet franco-africain. En raison de l’intérêt que suscite l’événement, la décision est alors prise de renouveler l’expérience chaque année, alternativement en Afrique et en France. Le calendrier annuel sera respecté jusqu’à 1990, date à partir de laquelle les rencontres franco-africaines auront lieu tous les deux ans.

 

Un lieu de rencontre pour le continent

 

 

Le format du sommet, qui fut à ses débuts, pour citer l’ancien président sénégalais Leopold Sedar Senghor, une « réunion de famille » francophone, a également évolué au cours des années, avec l’ouverture de la participation aux lusophones et anglophones, faisant ainsi voler aux éclats la notion de « pré carré » qui a longtemps dominé la pensée africaine de la France.

 

C’est le président français Valéry Giscard d’Estaing qui émit à Bangui le vœu d’élargir l’aide française à l’ensemble de l’Afrique et de voir les lusophones et autres anglophones participer aux conférences France-Afrique. Ce sera chose faite dès le rendez-vous de l'année suivante à Paris, avec l’ouverture timide de la participation au Cap-Vert et à la Guinée-Bissau. Il faudra attendre le sommet de Kinshasha, en 1982, pour voir arriver les anglophones, notamment le Nigeria et la Tanzanie.

 

Pendant longtemps, les rendez-vous France-Afrique ont donné l’impression d’une réunion de famille « françafricaine ». C’est seulement au fil des années 1990, avec la présence croissante des dirigeants de pays anglophones et lusophones, que le sommet franco-africain est devenu un lieu de rencontre pour l’ensemble du continent.

 

Thèmatiques

 

Ces évolutions ne devraient cependant pas masquer la continuité qui définit certains aspects de la politique africaine de la France, qui a peu changé malgré les alternances politiques et idéologiques à la tête du pays au cours des décennies écoulées.

 

Cinquante ans après la fin de la colonisation, la logique du pré carré, consacrée par la cellule africaine version Jacques Foccart, continue ainsi de déterminer les actions militaires de la France en Afrique notamment, comme l’ont rappelé la récente intervention française au Mali ou celle qui se prépare en Centrafrique.

 

Rien, sans doute, n’illustre mieux cette continuité de la vision géopolitique française s’agissant de l’Afrique, que les thématiques récurrentes des vingt-cinq sommets franco-africains qui ont eu lieu jusqu’ici : développement, sécurité, dialogue, modulés sur tous les tons. A lui seul, le vocable « développement » se retrouve cinq fois dans les intitulés thématiques des sommets.

 

Il y a quelque chose d’incantatoire dans ces prises de parole, qui ont plus à voir avec ce que Jean-Pierre Bat désigne dans son livre comme le « théâtre des représentations de pouvoir entre la France et l’Afrique » qu’à un souci véritable de peser sur le réel. La menace de couper les vivres faute d’instauration d’Etats de droit que brandit François Mitterrand dans le cadre de son célèbre siscours de la Baule (1990) constitue une véritable rupture dans ce ronronnement diplomatique franco-africain.

 

Des temporisations du genre « Démocratie bien sûr, mais chacun à son rythme » viendront, hélas !, vite colmater la rupture. Car dans ce domaine, la crainte de perte d’influence prime sur des considérations éthiques.

 

Sommet de l’Elysée 2013

 

Le sommet de l’Elysée, convoqué par François Hollande, entend dépoussiérer les rituels diplomatiques de l’ensemble franco-africain et faire évoluer la politique africaine de la France. Cette nouvelle conférence avec une quarantaine de délégations nationales attendues marque sa différence par rapport à la tradition, en ne se désignant pas comme le 26e sommet franco-africain, mais en se définissant en fonction des débats que ses organisateurs veulent impulser : « sommet pour la paix et sécurité en Afrique ».

 

Une conférence, donc, sur la prévention et la gestion des conflits sur le continent africain, comme il y en a déjà eu plusieurs dans le passé (sommets de 1978, 1983, 1994, 1998). A la seule différence près que l’ère de la France « gendarme de l’Afrique » est maintenant révolue. Le président français le sait bien, car il n’a cessé d’affirmer que c’est désormais aux Africains « d’assurer la sécurité de leur continent ».

 

Pour Paris, le véritable défi, aujourd’hui, consiste sans doute à réussir sa sortie de l’arène africaine pour mieux investir l’Afrique de demain qui se dessine. C’est ce que certains appellent « faire preuve d’afro-réalisme ».

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