http://lci.tf1.fr par Fabrice Aubert le 04 décembre 2013 à 17h19
DECRYPTAGE. Pour la 4e fois en deux ans, et la seconde en 2013, l'armée française va intervenir en Afrique, en l'occurrence en Centrafrique. La résolution de l'Onu autorisant le recours à la force pour rétablir l'ordre dans le pays, tombé dans l'anarchie, devrait être votée ce jeudi.
Le Conseil de sécurité de l'Onu devrait adopter jeudi le projet français de résolution sur la Centrafrique. Placé sous le chapitre VII de la Charte de l'Onu qui prévoit le recours à la force, la texte autorise notamment les forces françaises présentes sur place à "prendre toutes les mesures nécessaires pour soutenir la Misca (ndlr : la force africaine) dans l'exercice de son mandat". Celle-ci a pour mission de "protéger les civils et de rétablir l'ordre et la sécurité par les moyens appropriés". Dans les faits, personne n'est dupe : ce sont bien les soldats français qui seront en première ligne.
Quel est le but de cette nouvelle "guerre française" en Afrique ?
Il s'agit de mettre fin au chaos dans lequel est tombée la Centrafrique depuis le printemps dernier. Arrivé au pouvoir après avoir renversé en mars François Bozizé, Michel Djotodia a ensuite été incapable de contrôler les nombreuses milices qui formaient la Séleka, sur laquelle il s'appuyait.
Ces différents groupes, composés d'anciens soldats, de bandits, voire de mercenaires, ont rapidement multiplié les pillages dans tout le pays. Les heurts ont ensuite débouché sur des affrontements ethniques et confessionnels entre chrétiens, majoritaires, et musulmans, très représentés parmi les anciens de la Séleka.
Les plus pessimistes parlent aujourd'hui d'une situation pouvant mener à la fois à un génocide et s'étendre dans les pays voisins, dont la situation ethnique est comparable.
En quoi va consister cette intervention ?
Contrairement à la Côte d'Ivoire en 2011 où il s'agissait de mettre fin à une guerre civile "classique" entre deux camps revendiquant le pouvoir, contrairement à la Libye où il s'agissait de sauver la Révolution anti-Kadhafi et contrairement aussi au Mali, où il s'agissait surtout d'une opération anti-terroriste, l'intervention en Centrafrique consistera essentiellement en une opération de police et de maintien, ou plutôt de retour, à l'ordre. Afin de donner une légitimé internationale, le tout se fera donc à la demande des autorités centrafricaines et avec l'aval de l'Onu.
Peut-on dire que la France se retrouve de nouveau dans la position du "gendarme de l'Afrique" ?
"Tout à fait. C'est vraiment ça", explique à MYTF1News Antoine Glaser, spécialiste des questions africaines. "Comme souvent, la France, qui est la seule puissance occidentale à disposer de bases militaires sur le continent, se substitue et pallie la faiblesse des armées du pays en question et celles des armées régionales africaines censées justement intervenir. Mais qui sont dans les faits incapables de stabiliser une situation", ajoute-t-il.
"Il faudra d'ailleurs un jour s'interroger, ce que personne ne fait, sur l'échec patent depuis 50 ans de la formation de ces armées africaines par la France. Cela ne fonctionne pas puisque, encore une fois, elle se retrouve contrainte d'intervenir", analyse Antoine Glaser.
La France parle d'une intervention ponctuelle de seulement six mois. Est-ce possible ?
Pour rappel, les autorités françaises affirmaient également que l'intervention au Mali ne durerait que jusqu'au printemps, au plus tard à l'été. Résultat : plus de 3.000 soldats sont encore sur place -contre il est vrai 4.500 au plus fort des combats. "Les résolutions de l'Onu sont généralement faites pour six mois. Donc ça ne coûte rien d'avancer ce laps de temps", souligne Antoine Glaser.
"Mais, ici, vu que l'affaire centrafricaine est à la fois politique, économique et sociale, le risque d'enlisement me semble plus important qu'au Mali. Il faudra plus que 1.400 soldats (ils sont pour l'instant 600 mais n'ont comme mandat que de protéger les expatriés et les intérêts français), pour redresser la nation", prévient-il. "Une fois le pays sécurisé, il faudra rapidement mettre en place un plan politique, même au forceps. L'urgence sera alors donc d'organiser des élections. Sinon, il est certain que l'Allemagne et les Etats-Unis ne mettront par exemple aucun argent pour soutenir le développement, condition sine qua non d'une pacification sur le long terme", assène-t-il.