Par Laurent Correau RFI samedi 8 novembre 2014
Nous avons été les premiers à vous en parler... En Centrafrique, une délégation composée de membres du gouvernement et de représentants de la communauté internationale est allée à la rencontre mardi, mercredi et jeudi derniers, des trois principaux chefs de l'ex-rébellion Séléka... dans leurs fiefs. Ministres et diplomates ont parlé avec ces chefs de guerre du futur dialogue national centrafricain. Ils les ont invités à déposer les armes. Quel accueil la délégation a-t-elle reçu ? Pour en parler notre invité est l'un des participants à cette série de rencontres, l'ambassadeur de France Charles Malinas.
RFI : Bonjour Charles Malinas. Vous venez de vous rendre avec d’autres représentants de la communauté internationale à Kaga-Bandoro, à Bambari et à Bria, trois villes donc, trois factions de la Séléka. Quel est le message que vous êtes allés porter aux ex-rebelles ?
Charles Malinas : Nous sommes allés porter un message très simple. C’est : rejoignez le processus de dialogue national qui se met en place et qui va aboutir au forum de Bangui et déposez les armes, revenez dans une approche politique de votre participation à la vie ce pays.
Qui avez-vous pu rencontrer lors de vos différents déplacements ?
Nous avons rencontré les dirigeants ou les nouveaux dirigeants de ce qui apparaît comme de ce qui apparaît comme les trois groupes issus de l’ancienne coalition Séléka. A Kaga-Bandoro, c’était le groupe -peut-être numériquement- le plus important, dirigé par Noureddine Adam. A Bambari nous avons rencontré le groupe de Daras, qui est le groupe dit des Peuls, et puis à Bria nous avons rencontré le groupe des Goula, dirigé par Daman Zakaria.
Les trois nous ont tenu un discours très comparable de souhait de paix, souhait d’arrêter les combats, de souhait de déposer les armes après le forum de Bangui et de participer à ce forum. C'est-à-dire que nous avons eu avec les trois groupes issus de l’ex-Séléka, des discussions je dirais constructives, sur leur participation à un processus politique de dialogue national, qui doit se concrétiser dans le forum de Bangui, soit à la fin de cette année ou au tout début de l’année prochaine.
Est-ce que ces groupes ont posé des conditions pour une participation au forum national de Bangui ?
Ils n’ont pas posé de conditions, mais en même temps ils ont des revendications. Ils ont des demandes qui sont assez logiques, qui sont au demeurant des demandes anciennes, en particulier sur le développement de leurs régions et de la mise en œuvre de projets concrets permettant à des régions du nord-est et de l’est extrêmement pauvres et extrêmement sous-développées, d’arriver à un niveau de développement acceptable, notamment dans le domaine des écoles, dans le domaine de la santé ou dans le domaine des communications avec des routes qui aujourd’hui sont dans un état tel qu’elles ne sont pas utilisables en saison des pluies.
Mais est-ce qu’ils ont demandé des garanties pour pouvoir se déplacer jusqu’à la capitale ?
Ils n’ont pas demandé de garanties.
Ces trois groupes contrôlent à l’heure actuelle des régions importantes de la Centrafrique et les ressources naturelles qui vont avec, qu’il s’agisse de diamants, de l’or ou même des taxes imposées sur le commerce du café ou le transit du bétail. Est-ce que vous avez évoqué avec eux ces questions-là et la nécessité d’une restauration de l’autorité de l’Etat sur les territoires qu’ils contrôlent ?
Absolument. Nous avons évoqué cette question. Nous leur avons expliqué que dans le processus de dialogue national et de reconstruction de ce pays, il était absolument indispensable que l’Etat puisse rétablir son autorité sur ces régions en commençant par envoyer sur place des préfets, des sous-préfets, des juges, des procureurs, en mesure de faire leur métier et d’assurer les fonctions, l’essentiel de l’Etat dans ces régions.
C’est une mission qui reste encore parfois difficile, parce qu’il y a des endroits où l’Etat a totalement disparu et où il a été remplacé par ces groupes, justement. Mais les discussions ont eu lieu de manière tout à fait franche et ouverte. Et Je crois qu’on a une perspective tout à fait positive de ce point de vue et que le forum de Bangui justement, permettra sans aucun doute de progresser sur ce terrain.
Est-ce que dans les discussions que vous avez eues avec eux, vous avez eu le sentiment que la tentation de la sécession du Nord-Est qui avait traversé l’esprit de certains à un moment donné, était toujours d’actualité ?
Cette question n’a pas été évoquée. Si elle n’a pas été évoquée c’est parce que les trois dirigeants principaux de l’ex-Séléka que nous avons rencontrés, ont tous trois mis de côté cette idée pour participer à un processus de dialogue national. Donc très clairement, ils s’inscrivent dans une perspective d’une Centrafrique unie.
Est-ce que les chefs que vous avez rencontrés ont exprimé la nécessité d’en référer à Michel Djotodia pour obtenir un accord de sa part pour la participation au forum, autrement dit, est-ce que vous avez le sentiment que Michel Djotodia conserve encore une autorité sur les responsables militaires de son mouvement ?
Non. Aucun des trois n’a évoqué l’idée d’en référer à Michel Djotodia. Alors quelle est l’influence de Michel Djotodia sur les uns et sur les autres ? On ne sait jamais tout. Mais aujourd’hui je constate que cette influence est manifestement beaucoup moins importante qu’elle n’a pu l’être.