http://www.lexpressiondz.com Mercredi 04 Decembre 2013
Les experts restent sceptiques quant au succès d'une telle intervention
L'intervention militaire de la France en Centrafrique ne suffira pas à résoudre les problèmes d'un pays en plein chaos, avertit le président de Médecins sans frontières (MSF).
Dans un entretien à l'AFP, celui-ci appelle à relancer la gouvernance et les infrastructures. «Ce pays, c'est la catastrophe: des violences sans arrêt, une pauvreté extrême, pas d'infrastructures, pas de système de santé», a énuméré Meguerditch Terzian, le président de cette ONG qui intervient depuis 2006 en Centrafrique.
«Une intervention militaire ne pourra pas seule résoudre les problèmes», a-t-il jugé alors que la France a annoncé la semaine dernière le prochain déploiement d'environ un millier de soldats français, qui devront officiellement appuyer la force africaine, la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca), déjà présente en Centrafrique. «Il faut aussi aider le gouvernement à mieux gouverner, trouver des moyens pour relancer les infrastructures», a-t-il plaidé.
Le Premier ministre centrafricain, Nicolas Tiangaye, a assuré lundi «compter» sur la France pour rétablir la sécurité en Centrafrique, soulignant également la nécessité d'une aide économique internationale massive. Le pays vit au rythme d'affrontements entre chrétiens et musulmans, entre groupes «d'autodéfense» et ex-rebelles (parvenus au pouvoir en mars après avoir renversé le président François Bozizé), auxquels s'ajoute une forte poussée du banditisme dans la capitale, Bangui, où de nombreuses armes circulent. Meguerditch Terzian, qui s'est rendu sur place en juillet, raconte qu'en sortant de l'aéroport, «on aurait dit Haïti en 2010», après le passage du séisme dévastateur, raconte-t-il. «L'eau, l'assainissement, tout est problématique». Sur le plan humanitaire, la crise a provoqué le déplacement de plus de 400.000 personnes, et plus d'un million de Centrafricains, soit 20% de la population, sont menacés de disette dans les mois à venir, selon le Programme alimentaire mondial (PAM).
Dans la plupart des régions, les populations continuent de subir le harcèlement et les pillages des ex-rebelles et de nombreux villages ont été vidés de leurs habitants, qui préfèrent désormais se cacher en brousse dans des conditions sanitaires déplorables. «Selon les autorités, 400.000 personnes vivent dans la brousse», après avoir fui les violences, «avec des conséquences directes ou indirectes sur leur santé», relève M.Terzian: «augmentation des cas de paludisme, malnutrition, diarrhées, pas d'accès aux soins». Le président de MSF rejette cependant le terme de «génocide», employé par le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qui avait décrit un pays «au bord du génocide» le 21 novembre sur la chaîne France 2. «On parle de violences, d'agressions, mais pas de génocide. Il n'y a pas besoin de trouver des mots fictifs pour justifier une intervention», estime M. Terzian. Le président de MSF regrette que la Centrafrique «n'intéresse pas» et que l'aide internationale «ne soit pas à la hauteur», jugeant que «la corruption et l'insécurité ne sont pas des excuses pour ne pas apporter d'aide». «L'ONU doit augmenter son secours, sa présence hors de Bangui», plaide-t-il.
Car malgré les violences et les pillages qui touchent également les humanitaires, «on arrive à travailler», assure M.Terzian. L'ONG compte 1.100 employés locaux et une centaine d'expatriés dans le pays. En août 2013, MSF avait réalisé plus de 400.000 consultations, dont 171.000 pour des cas de paludisme mais, alerte M. Terzian, «on ne peut pas couvrir avec 1.200 personnes les besoins de tous les Centrafricains». Vendredi et samedi, une quarantaine de dirigeants africains se retrouveront à Paris à l'invitation du président François Hollande. Après la clôture du sommet, celui-ci réunira les dirigeants des pays voisins de la Centrafrique ainsi que les responsables de l'ONU et de l'Union européenne pour un mini-sommet consacré à la situation dans ce pays.