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La convocation d’une conférence nationale supplémentaire (souveraine) aurait-elle plus de chance de liquider le passif centrafricain ? par Wilfried Willy ROOSALEM

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Depuis quelque temps, des voix- et non des moindres tant en Afrique, peut-être en Centrafrique et qu’au sein de la diaspora-, s’élèvent pour réclamer à cor et à cri l’organisation d’une conférence nationale supplémentaire (souveraine) afin d’espérer exorciser et extirper les vieux démons centrafricains. Si le principe de la tenue de ce genre de grand mess s’avère légitime, l’on est, en revanche, en droit de s’interroger sur la volonté des principaux acteurs de la scène nationale de réellement mettre en œuvre ses résultats ou ses conclusions. L’histoire relativement récente des dialogues inter centrafricains fourmille d’exemples éloquents qui incitent à peu d’optimisme et peu d’attentes (I). C’est pourquoi, nous sommes convaincus que l’impératif de l’heure se situe ailleurs (II).

 

I Un bref rappel historique de la tenue de dialogues ou pourparlers centrafricano-centrafricains

 

Un regard rétrospectif sans concession et sans complaisance s’impose pour mieux appréhender le cheminement des processus politiques en Centrafrique. Afin de ne pas remonter à un passé très lointain, j’insisterai sur les séquences politiques qui ont marqué l’histoire de la RCA des 30 dernières années.

 

Ainsi, le 19 septembre 1979, à la faveur de l’opération Barracuda conduite par la France qui sonna le glas du régime impérial personnifié par l’empereur Jean-Bedel Bokassa, le gouvernement de salut public (GSP) nommé par le Président David DACKO, avait estimé judicieux d’organiser en 1980 une table ronde inter centrafricain (baptisée Séminaire national de réflexion) regroupant toute la classe politique et les forces vives de la nation afin de trancher le nœud gordien centrafricain. Cette initiative louable va donner lieu à l’organisation des premières élections multipartites en RCA et même dans l’Afrique de l’ère postcoloniale. Initiative qui a eu le mérite- au grand dam du Président DACKO- de provoquer le courroux de certains Chefs d’Etat de la sous-région peu enclins à voir organiser ce genre d’exercice démocratique dans leur propre pays car susceptibles de susciter des revendications de libertés démocratiques émanant de leurs populations. Ces élections organisées cahin-caha et dont les résultats vont être fortement contestés par le candidat malheureux, vont entraîner l’installation d’une chienlit à travers le pays. Le Président DACKO, entretemps proclamé démocratiquement élu et incapable de contrôler la situation insurrectionnelle ambiante, va remettre contre son gré le pouvoir de l’Etat à l’Armée vue comme la seule force sociale organisée du pays.

 

Intervint alors la date du 1er septembre 1981 qui symbolisa l’instauration du Comité militaire de redressement national (CMRN) sous la férule du Général André KOLINGBA, précédemment Chef d’Etat Major Général des Armées. Ce régime militaire va perdurer 12 ans.

 

En 1991, dans la foulée des conférences nationales souveraines (CNS) tenues dans bon nombre de pays du continent et au forceps, le Général-Président aux lieu et place de ces Assises estampillées du qualificatif souveraine, qui ont entraîné des changements politiques notables (alternances) dans certains pays africains, consent sur instance des partis politiques à imposer ce qu’il était convenu d’appeler le Grand débat national qui a également réuni tous les acteurs politiques et les forces vives de la nation. Les conclusions de ce débat vont déboucher, dans un premier temps, en 1992 sur l’organisation des premières élections présidentielles multipartites de l’après conférence de la Baule de 1990 marquant l’âge d’or des processus de démocratisation en Afrique. Ces élections vont, à leur tour,  être annulées car elles ont été fortement contestées par l’opposition qui dénonça, à juste titre, leur impréparation.

 

En 1993, sous la pression du Président français François Mitterrand, le gouvernement du Général-Président va finir par organiser des élections présidentielles et législatives réellement démocratiques qui verront la victoire du Président Ange Félix Patassé élu au suffrage universel direct. Sa pratique du pouvoir, violemment remise en cause, va donner naissance à une répétition effrénée de mutineries et de révoltes d’une partie de l’armée. C’est ainsi qu’au-delà des différents accords de Bangui des années 1996, 1997, parrainés par la communauté internationale en vue de mettre fin à ces mutineries, le Président Patassé fera tenir les Etats Généraux de l’armée qui avaient pour objectif principal de faire un état des lieux exhaustif et trouver les solutions idoines aux problèmes récurrents de notre système de défense et de protection. C’est ici le lieu de se demander si les recommandations issues des travaux de ces Etats Généraux ont-elles été réellement appliquées ? Une probable prise en compte insuffisante des problèmes de cette armée et les frustrations engendrées vont occasionner la tentative de coup de force de 2001 revendiquée par le Président KOLINGBA et les rébellions de 2002 et 2003 menées par le Général BOZIZE.

 

C’est dans ce contexte très troublé que naquit le changement du 15 mars 2003 qui inaugura l’ère de libération insufflée par le Général-Président François BOZIZE qui acceptera l’organisation d’un premier dialogue national (DN) qui a vu la participation de la quasi-totalité des anciens Président de la République et des personnalités politiques de premier plan de l’époque.

 

Cette circonstance qui a été un moment palpitant de catharsis de la vie nationale, a été l’occasion, pour ces personnalités, de proclamer urbi et orbi et solennellement leur mea (maxima) culpa au peuple centrafricain. On entendra fuser le mot Pardon de la bouche de ceux-là même qui ont eu à conduire les destinées de ce pays qui nous est si cher.

 

Je retiens, pour ma part, que ce moment émouvant sera marqué d’une pierre blanche dans les annales de l’Histoire de notre pays.

 

Force est, malheureusement, de relever que les recommandations de cette palabre ne seront pas plus suivis d’effet nonobstant la mise en place d’organes de suivi des décisions de ce forum. C’est ainsi que va naître une énième crise politico militaire qui débouchera sur la tenue en 2009 du dialogue politique inclusif (DPI). Une fois de plus, au grand dam du peuple centrafricain, la volonté politique fera défaut de part et d’autre de la classe politique. Ce qui nous plongera davantage dans les profondeurs abyssales et conduira aux fameux accords de Libreville du 10 janvier 2013 avalisés par la CEMAC et qui ont associé les principaux protagonistes de la crise. Accords qui peineront, comme les précédents, à trouver une issue favorable.

 

C’est dans ces conditions qu’est intervenu le changement du 24 mars 2013 sous la houlette de l’actuel Président de transition Michel DJOTODIA.

 

Au moment où nous cherchons tous à parvenir à une situation d’apaisement pour une réconciliation nationale vraie, je ne vais pas jeter la pierre à Paul, Pierre ou Jacques ou incriminer qui que ce soit. Nous sommes collectivement responsables et comptables de notre sort et de notre destin.

 

Néanmoins, nous pensons que la feuille de route assignée au gouvernement de transition doit être menée à son terme pour continuer à appeler la bienveillante attention de nos partenaires traditionnels et ainsi bénéficier de la commisération de la communauté internationale.

 

La convocation d’une conférence nationale supplémentaire est-elle aujourd’hui opportune au regard de nos nombreuses expériences malheureuses du passé ? Certains me répondront que les conclusions des précédentes n’auraient pas été exécutoires car elles n’ont pas été explicitement affublées du qualificatif « souveraine ».

 

Quelle garantie a-t-on qu’un dialogue inclusif estampillé de ce vocable aurait plus de probabilité et de force pour être intégralement appliqué ? A-t-on l’assurance qu’au sortir de ce nouveau forum, on ne va pas déterrer la hache de guerre ?

 

A-t-on vraiment la culture du respect de nos textes ? J’en veux pour preuve la culture de l’observation à géométrie variable de la loi fondamentale (la Constitution).

 

Le respect d’un engagement dépend de la volonté de son ou de ses auteurs.

J’aimerais, pour ma part, avoir une réponse claire et sincère à ces interrogations.

 

Je pense que le peuple a suffisamment fort à faire pour être continument distrait. Le peu de ressources disponibles doit être fléché au bénéfice des populations et non servir à régler des per diem à des retrouvailles qui ont peu de chance de produire les résultats escomptés.

 

Nos préoccupations de l’heure sont certainement à envisager ailleurs.

 

II. Les priorités de l’heure

 

Notre première préoccupation, aujourd’hui, est d’ordre sécuritaire. Les conditions doivent être crées afin d’instaurer un climat de paix et de sécurité sur l’étendue du territoire national.

 

Cela permettrait, au moins, aux ONGs venues nous prêter leur concours d’apporter le minimum vital et social aux populations contraintes de dépendre de l’aide alimentaire et sanitaire internationales. Cela permettrait aux populations des villes de pouvoir vaquer librement à leurs occupations. A nos enfants, d’aller librement à l’école afin d’assurer le relais et relever les nombreux défis que nous leur auront légués.

 

La seconde priorité concerne le paiement des traitements, salaires et pensions de la fonction publique ainsi que le règlement des dépenses du fonctionnement de l’Etat.

 

La troisième ambition se rapporte à l’organisation d’élections libres, crédibles et transparentes afin de permettre à nos populations de se prononcer, le moment venu et en conscience, sur les programmes des candidats investis par les formations politiques et des candidats aux élections législatives.

 

Nous appelons de nos vœux que l’offre politique à laquelle nous sommes en droit d’attendre soit à la hauteur de l’ampleur des enjeux sociétaux.

 

Si la vie politique nationale des 30 dernières années a été ponctuée par des conférences nationales sans lendemain, ces espaces de dialogue et de concertation censés solder les problèmes nationaux, cela n’a pas empêché le pays de faire, à chaque occasion, du rétropédalage. Le problème de la RCA se situe davantage sur le terrain de l’éthique, des valeurs (que j’ai d’ailleurs déjà abordées), des mentalités.

 

 

                                                                                                  Wilfried Willy ROOSALEM

                                                                                                   Juriste, Consultant 

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