RFI lundi 19 août 2013 à 14:51 Par Marie-Pierre Olphand
En Centrafrique, Michel Djotodia, l’ex- chef de la rébellion centrafricaine Seleka a prêté serment dimanche 18 août pour devenir le sixième président après avoir renversé le président Bozizé le 24 mars. Cette prestation de serment ouvre une période de transition censée durer dix-huit mois avant l'organisation de nouvelles élections. Mais le pays s’enfonce dans la crise humanitaire et sécuritaire. Le général Babacar Gaye est le représentant du secrétaire général des Nations unies pour la Centrafrique. Au micro de RFI, il dresse un état des lieux qu’il qualifie de « dramatique », et rappelle que la population vit « dans la peur et dans le besoin ».
RFI : Général Babacar Gaye, bonjour. Michel Djotodia a pris le pouvoir depuis 5 mois, il vient tout juste de prêter serment. Quel état des lieux peut-on faire, aujourd’hui, de la Centrafrique ?
Un état des lieux assurément dramatique. Au regard des violations permanentes des droits de l’homme, au regard des difficultés considérables que rencontrent les populations pour leur survie quotidienne, mais aussi un état des lieux teinté d’espoir. Tout d’abord l’espoir que suscitent les développements politiques récents : la transition est enfin sur les rails, elle a les outils qui sont en place. Bien évidemment, elle rencontrera d’autres difficultés, notamment entre les acteurs, mais au moins, il y a un processus politique qui devrait déboucher vers des élections, sous réserve – et j’insiste beaucoup – sous réserve, que les problèmes de sécurité, qui restent la grande problématique, soient réglés. Et à cet égard, la décision de l’Union africaine de déployer des forces à hauteur de 3 600 (hommes, NDLR) est un développement important.
Où en est-on justement, du déploiement de cette force, de la Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique) ?
Vous savez que les forces de cette nature nécessitent un travail de planification, mais il y a tout d’abord, le problème du financement de cette force. Et à cet égard, j’ai beaucoup insisté pour qu’un soutien soit donné à cette force africaine. Les populations attendent qu’une force impartiale, une force institutionnelle, assure leur sécurité. Donc, nous sommes avec cette force, sur ce chemin-là.
Et est-ce que 3 600 hommes cela suffira ?
L’Union Africaine a fixé à cette force des tâches initiales, qui sont raisonnables et qui sont pertinentes : assurer la sécurité au niveau de Bangui et assurer la sécurité du corridor menant de Bangui à la frontière camerounaise. Donc ces tâches initiales, ce sera déjà un développement considérable. Et ne préjugeons pas négativement de la manière dont la Seleka, les autorités réagiront à ce développement-là.
Général Babacar Gaye, où est-ce que la situation est aujourd’hui la plus préoccupante ? En province, à l’intérieur du pays ou à Bangui, la capitale ?
Hélas, je dirais partout. Quand vous êtes dans un pays où il n’y a pas, actuellement, d’Etat de droit, dans la mesure où il n’y a pas de forces institutionnelles qui assurent la sécurité des populations, quand vous êtes dans un pays où la justice peine à reprendre forme, quand vous êtes dans un pays où les enfants ne sont plus vaccinés, où les maladies qui étaient sous contrôle risquent de ressurgir, vous êtes dans une situation où les populations vivent dans la peur et dans le besoin. Il faut que la sécurité soit assurée par les institutions, qu’elle ne soit pas livrée à des bandes informelles.
A défaut d’institution pour l’instant, des jeunes se constituent en groupes d’autodéfense, notamment dans certaines localités de l’intérieur du pays, et on a vu ces derniers jours, une montée de violence entre ces groupes et les hommes de la Seleka. Que faire pour remédier à cela rapidement ?
En tout cas, cela n’est pas une surprise et cela est à déplorer. La seule manière de le faire, c’est que les causes des réactions spontanées de ces groupes – qu’on pourrait qualifier de « groupes d’autodéfense »- et qui ne sont pas la meilleure voie de sortie de crise, il faut que très rapidement, le gouvernement agisse, pour que les gens n’aient plus de raisons d’avoir ces réactions spontanées, qui sont des réactions de survie.
La sécurité est donc le gros problème, aujourd’hui, en Centrafrique. A quoi ressemble l’armée centrafricaine ?
L’armée centrafricaine, ce sont les FACA (Forces armées Centrafricaine). Une partie est encore à l’étranger, une partie est revenue à Bangui. Pour l’instant, les FACA sont sur des sites de regroupement, ou attendent qu’il y ait une vision claire et partagée avec la communauté internationale sur l’avenir de l’appareil sécuritaire du pays. Donc je dirais que c’est une force qui est en attente, alors que la police et la gendarmerie essayent, tant bien que mal, de se requalifier et de reprendre leur travail.
Les relations entre le Premier ministre et le président Djotodia ne sont pas au beau fixe. Est-ce que c’est un frein pour une sortie de crise ?
Je fais confiance à la sagesse de ces deux importants protagonistes et, également, au rôle essentiel que joue la communauté des Etats de l’Afrique centrale, pour que ces deux acteurs, qui n’ont d’ailleurs pas d’autre choix dans l’intérêt de leur population, travaillent la main dans la main.
Le Conseil de sécurité s’est dit prêt, la semaine dernière, à étudier toutes les options possibles, pour mettre fin à cette crise. Est-ce qu’on pourrait s’acheminer vers des sanctions à l’égard de certains membres de la Seleka, à l’égard de Michel Djotodia, le président ?
Vous savez, les sanctions sont des incitations, pour montrer que la justice est saisie, que l’on va enquêter, que l’on n’acceptera pas les violations des droits de l’homme. Alors qu’aujourd’hui, ce dont on a besoin, c’est que très rapidement, un minimum de chaîne pénale soit reconstitué dans ce pays, qu’il y ait des enquêteurs qui puissent enquêter, que la justice puisse se prononcer, que les gens puissent être emprisonnés si la décision de justice est cela. Et qu’on ait le sentiment qu’il n’y aura pas d’impunité. Il faut qu’il y ait des actes qui montrent cela.