Le jour où, nous Centrafricains, nous nous serions décidés à intégrer les valeurs cardinales de vie en société dans un environnement planétaire moderne fait de progrès, de justice et de tolérance, nous aurions- je suis convaincu-, parcouru une bonne partie du chemin en vue de réaliser notre aggiornamento dans le concert des nations mondialisées et civilisées qui laisse peu de place aux canards boiteux.
Chacun doit s’éduquer pour pouvoir éduquer son entourage et ainsi aspirer à vivre dans une société apaisée et pacifiée que j’appelle instamment de mes vœux. Condition sans laquelle, le bout du tunnel de sortie du marasme et du désarroi multiforme et multidimensionnel risque d’être encore très long à atteindre. Ce que je crains plus que tout.
Au nombre des valeurs et de ce que je qualifierais de « politiques de civilisation » à s’approprier résolument, je fais quant à moi miennes celles-ci déclinées comme suit sans ordre de priorité et de préférence ; toutes étant -à mes yeux,- importantes les unes que les autres car interpellant ma conscience de citoyens ayant l’amour du pays chevillé au corps et cœur:
- Le respect de la loi, le respect de la Constitution et des textes connexes : la loi fondamentale ainsi que toutes ses émanations s’imposent à l’Etat, aux collectivités locales, aux personnes morales de droit privé (sociétés, associations, syndicats, partis politiques etc.) et aux individus. Elle ne saurait être mise sous le boisseau sous aucun prétexte. Souvenons-nous de ce qu’avait déclaré, à juste titre, Monsieur BARACK OBAMA lors de sa première visite officielle en terre africaine (Ghana) en tant que Président nouvellement élu des Etats-Unis ; je cite : « l’Afrique a besoin des institutions fortes et non d’hommes forts ». Retenons aussi dans le sillage de ces propos pleins de bon sens et de sagesse que les hommes passent mais les institutions (l’Etat et ses démembrements) restent. Des institutions solidement installées auront l’avantage de prévenir le dépérissement ou la décomposition dommageable de l’Etat, véritable défi à relever aujourd’hui et dans les années à venir.
- Le strict respect des droits de l’homme, de la personne humaine et des libertés : la sécurité physique des citoyens ainsi que la sécurité de leurs biens représentent la première des libertés individuelles avant les droits économiques et sociaux. Ce chapitre n’est pas négociable.
- La culture de l’Amour de la patrie : je pense à la participation des citoyens en tant que de besoin à l’effort de redressement national.
- La culture de l’Amour de son compatriote : le Centrafricain ne doit pas privilégier son continentriote ou l’allochtone au détriment de son concitoyen, qui n’a pas nécessairement des qualités moindres que ce dernier. La fraternité doit demeurer l’un des éléments essentiels de l’unité nationale, une des modalités de notre devise nationale inscrite dans le marbre des symboles de la République (les bâtiments officiels et les armoiries de la République).
- La culture du consensus national permanent : le règlement des différends ou des crises de quelle que nature que ce soit et de quelle que intensité qu’ils soient doit impérativement s’opérer par les voies du dialogue et de la concertation héritées de nos traditions ancestrales. Je pense ici singulièrement à la pratique de l’arbre à palabres en vigueur autrefois dans nos sociétés traditionnelles au détriment du recours désormais systématique à la violence ou à l’usage de la force, véritable fuite en avant qui a la fâcheuse particularité de complexifier davantage nos problèmes et ne résout en définitive rien. Et ce, au nom d’un certain relativisme culturel.
- Le respect et même la sacralisation de la propriété privée érigée depuis au rang de principe de valeur constitutionnelle au grand dam de l’esprit de vandalisme. Lapalisse aurait dit qu’il est plus facile de détruire que de construire ou de reconstruire.
- Le respect du bien public : c’est l’affirmation solennelle de la primauté de l’intérêt supérieur de la nation au détriment de nos petits intérêts bassement matériels immédiats.
- La consécration de l’esprit de tolérance et de la tempérance : nous devons nous garder de verser dans des comportements ou propos excessifs. Il faut cultiver le sens de la mesure et se garder de développer l’outrance.
- La liberté de conscience et la libre expression des idées et des opinions dans un Etat laïc. Le tout dans le respect des lois de la République.
- Le respect de la parole donnée et de l’engagement : notre sérieux et notre crédibilité seront jugés à l’aune de l’accomplissement de nos devoirs moraux.
- Le goût du travail et de l’effort : je crois que seul le travail est à même de nous libérer des chaînes de la dépendance économique et sociale. La liberté d’entreprise et la promotion de l’initiative privée doivent être encouragées afin de densifier notre tissu économique encore très embryonnaire laminé à la faveur de changements de régimes politiques.
- La lutte contre l’appât du gain facile et la dépravation des mœurs.
- Le sens des responsabilités : nous devons éviter de toujours rendre autrui responsable des conséquences de nos propres faiblesses sans avoir le minimum d’honnêteté et de probité de faire, un tant soit peu, notre introspection.
- La culture de la saine émulation : il faut faire prévaloir le sens de l’équité et le critère de la compétence dans l’attribution d’un avantage public. Qu’il s’agisse de la nomination dans un poste laissé à la discrétion de l’Etat ou du gouvernement de la République que de l’attribution des marchés publics (adjudication, appels d’offre ou marchés de gré à gré). Ainsi, évitons de tomber dans les travers du sectarisme partisan, du clanisme, du népotisme, du « libotisme » (de libota expression plus familière aux lingalophones qui signifie la famille ; En d’autres termes une propension à faire profiter des privilèges de l’Etat les membres de sa famille), et de ethnisme. Partant des passe-droits.
- Ce qui entraine, de facto, la renonciation à la pratique du « spoils system » (le système des dépouilles) : c’est-à-dire qu’un chef (généralement le sommet de l’Etat) change, toutes les têtes de l’administration ou les titulaires des fromages de la République tombent. Situation ô combien susceptible d’être préjudiciable au bon fonctionnement et à la bonne marche des services publics et de nos institutions. Le système des dépouilles a l’inconvénient de favoriser souvent malheureusement l’incompétence et la corruption, véritables fléaux à combattre à tous les niveaux et strates de l’espace public.
- La saine appréciation des réalités, formule autrefois popularisée et chère à feu le président Félix HOUPHOUET-BOIGNY de Côte d’Ivoire : la République doit savoir apprécier à sa juste valeur les problèmes structurels à régler. Elle ne doit faire preuve ni de favoritisme, ni de népotisme, ni d’amateurisme et encore moins de légèreté et de désinvolture dans le traitement des affaires publiques. La politique estampillée de bonne gouvernance doit être l’alpha et l’oméga de la gestion de la chose publique.
- La lutte contre le relâchement des mœurs politiques, économiques et sociétales promue au rang de priorité nationale.
- La culture du civisme : quitte à revoir, le cas échéant, le contenu des programmes scolaires pour y inscrire l’impératif d’éducation civique et de la promotion du vivre- ensemble. Le vivre-ensemble doit être prôné sur l’ensemble du territoire national et faire partie subséquemment des grilles des programmes radiophoniques et télévisuels.
- La promotion de la culture du résultat : l’évaluation périodique des politiques publiques pour en apprécier les performances et/ou à fortiori les contre-performances afin d’améliorer permanemment l’efficience de la fonction publique et des structures rattachées.
- Le sens élevé de l’Etat à toute épreuve : nos dirigeants et la classe politique dans son ensemble doivent être imprégnés des idéaux d’unité, de dignité, de travail, de paix, de justice sociale et d’intérêt général inscrits au fronton des emblèmes de l’Etat.
- L’impératif de protection de l’environnement et de notre écosystème afin de réduire les déséquilibres climatiques et les risques écologiques. La politique de reboisement devenir une des priorités nationales afin de contenir les ravages de l’avancée du désert.
- La politique du bon voisinage : il s’agit d’entretenir des relations pacifiques et de confiance mutuelle avec nos voisins. Le dialogue doit demeurer le mode privilégié de règlement des conflits.
- La restauration de l’autorité de l’Etat : cela passe prioritairement par la mise sur pied d’une armée véritablement nationale, républicaine et professionnelle. Cela passe également par la création d’un corps de gendarmerie et de police nationales. L’éclosion d’une justice indépendante. Une lutte sans merci contre la corruption et la fraude. Qui a dit : « fraus corrompit » ? Autrement dit « la fraude corrompt tout ».
- La lutte contre l’impunité et les passe-droits, véritables gangrènes des services publics.
- Le rétablissement des grands équilibres macro-économiques grâce à la mise en place de la réforme des régies financières (trésor, impôts, douane) et des secteurs économiques stratégiques. La modernisation de l’agriculture et du tissu industriel.
- La promotion de l’éducation et de la culture pour tous.
- La réforme de l’Etat.
- Etc.
Bien entendu, ce catalogue de mesures élaborées sous forme de résolutions non engageantes si ce n’est la personne de son auteur, ne se prétend nullement à l’exhaustivité et est susceptible d’être complété et même amendé en fonction de l’évolution du contexte local et des enjeux internationaux.
Wilfried Willy ROOSALEM,
Juriste, politiste, consultant
PS: je sais qu’à travers cet écrit qui ne revêt pas un caractère pamphlétaire ni apologétique à l’égard d’un quelconque individu et ne constitue en rien un brûlot, je ne vais pas échapper aux critiques acerbes et même aux invectives et aux injures de certains compatriotes mais je veux que ceux-ci comprennent que je suis mu uniquement par le souci et la volonté de faire avancer, à mon niveau, les mentalités dans notre société. On ne peut malheureusement pas faire des omelettes sans casser des œufs