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Lu pour vous : Un paludisme très dangereux émerge en Asie du Sud-Est

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LE MONDE | 06.11.2014 à 14h55 • Mis à jour le 06.11.2014 à 18h55 |Par Julien Bouissou (New Delhi, correspondance)

 

Une forme émergente de paludisme, la plus mortelle et dangereuse, se propage rapidement en Asie du Sud-Est, et particulièrement en Malaisie, révèle une étude présentée lundi 3 novembre devant la Société américaine de médecine tropicale et d’hygiène (ASTMH), à La Nouvelle-Orléans (Louisiane). Dans la région malaisienne de Bornéo, l’une des plus touchées, le paludisme dû à une forme particulière du parasite qui en est l’agent, le Plasmodium knowlesi, représente 68 % du total des cas diagnostiqués, contre seulement 5 % il y a quatorze ans. Cette variété de parasite était jusque-là connue pour provoquer le paludisme chez les singes. A présent, Plasmodium knowlesi est responsable de formes mortelles et se trouve en cause dans les cas sévères de paludisme à Bornéo (Malaisie) trois fois plus souvent que l’agent le plus commun, Plasmodium falciparum.

 

En Asie du Sud-Est, seul le Laos est encore épargné par la maladie. « Le parasite à l’origine de l’infection se reproduit toutes les vingt-quatre heures dans le sang, beaucoup plus rapidement que ce que l’on observe dans les autres formes de paludisme, ce qui en fait l’un des plus dangereux », explique Balbir Singh, auteur de l’étude et chercheur à l’université de Sarawak en Malaisie. Le parasite se transmet du singe à l’homme par le biais des piqures de moustique. « Mais il se pourrait qu’il se transmette déjà de l’humain à l’humain », redoute le scientifique.

 

« De l’humain à l’humain »

 

La déforestation en Malaisie accélère la propagation du parasite en poussant les singes, en l’occurrence des macaques à longue queue et à queue de cochon, hors de leur habitat naturel, à proximité des villages. Le pays a perdu 14 % de sa surface forestière entre 2000 et 2012, selon une étude parue en 2013 dans la revue Science, pour laisser place, bien souvent, à des plantations d’huile de palme. Ce sont dans les zones en lisière des forêts ou touchées par les déforestations et peuplées des macaques que la progression de l’épidémie est la plus forte : 95 % des patients sont des adultes, un taux extrêmement élevé comparé à d’autres formes de paludisme. Si les enfants sont moins touchés, c’est parce que l’insecte forestier, vecteur de la maladie, ne s’aventure pas à l’intérieur des habitations et pique ses proies à l’extérieur, où travaillent des ouvriers agricoles et les chasseurs.

 

Se protéger des piqûres est difficile. « En Afrique, par exemple, on peut enrayer la progression de l’épidémie avec des moustiquaires dans les maisons, mais il est plus difficile et surtout très coûteux de demander à tous les paysans et villageois de se protéger avec des lotions dès qu’ils sortent de chez eux », estime Balbir Singh. Les traitements médicaux peuvent toutefois venir à bout de la maladie si cette dernière est traitée à temps. La chance de survie du patient dépend de la rapidité à laquelle il est pris en charge, ce qui relève parfois de la gageure dans des endroits isolés et reculés.

 

Face à cette menace, les pays touchés doivent redoubler d’efforts en matière de recherche. Plasmodium knowlesi a été découvert en 1930 et le premier cas de transmission humaine constaté en 1965 en Malaisie. Mais ce n’est qu’en 2004 que la première épidémie apparaît à Bornéo. « Il y a encore beaucoup de choses que nous ne savons pas sur ce parasite et son mode de transmission », admet Jonathan Cox, chercheur à la London School of Hygiene and Tropical Medecine.

 

Progression rapide

 

Le Plasmodium knowlesi pose de nouveaux défis en matière de recherche, notamment son approche, qui doit être multidisciplinaire. Le projet Monkeybar, démarré en 2012 pour mieux comprendre la transmission de la maladie dans deux régions de Malaisie et des Philippines, mobilise près de 40 scientifiques, dont des anthropologues, des entomologistes, des épidémiologistes et des vétérinaires de plusieurs nationalités. Les mouvements des habitants et des singes sont suivis par GPS, le comportement des moustiques est étudié et des drones volant à 300 ou 400 m d’altitude mesurent l’ampleur de la déforestation. A chaque endroit étudié, le nombre de cas recensés est comparé aux données sur la déforestation ou au mouvement des singes pour mieux comprendre la progression de l’épidémie. « Nous n’en sommes qu’aux hypothèses. Mais il y a un lien de causalité entre les densités de population des hommes et des singes et la progression de la maladie », explique Jonathan Cox, l’un des coordinateurs du projet.

 

Avec plus de 2 000 patients hospitalisés en 2013 en Malaisie, le paludisme dû à Plasmodium knowlesi infecte moins de patients que la dengue et cause moins de décès. L’épidémie est pour l’instant circonscrite à l’Asie du Sud-Est, où vit le moustique vecteur de la maladie. Mais sa progression rapide inquiète les chercheurs.

 

 Julien Bouissou (New Delhi, correspondance) 

 

Journaliste au Monde

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