http://jactiv.ouest-france.fr/ Publié le lundi 24 mars 2014 à 09:57.
C'était il y a un an, le 24 mars. Les combats plongeaient la République centrafricaine dans l'horreur. Médecins sans frontières (MSF) envoie des chevronnés comme Juliane, une Normande de 29 ans, auprès des civils.
Le 16 décembre, j'étais censée rejoindre un hôpital dans le sud-est de la Centrafrique. La veille de mon arrivée, changement de programme, je dois rester à Bangui, la capitale, pour prêter main-forte à l'équipe de MSF. Des milliers de déplacés se sont installés, à même le sol, près du tarmac de l'aéroport de Mpoko.
Tout juste le temps de poser mes affaires, de grignoter un peu, un briefing... je suis opérationnelle. Chaque jour, 150 à 200 femmes enceintes, âgées de 14 à plus de 45 ans, attendent pour une consultation prénatale. En Centrafrique, la situation est très tendue, il y a une dizaine de camps dans les mosquées ou les monastères. Les civils fuient les exactions et les femmes enceintes subissent un stress énorme. Certaines doivent courir sous les balles. Et chaque jour, le camp de Mpoko s'agrandit un peu plus...
Sur place, je fais partie d'une équipe de sept personnes. Une maternité improvisée d'une capacité de 10 lits... qui procède à 8 à 12 accouchements par jour ! Le système de santé n'est pas fonctionnel, sans compter qu'il est très difficile pour ces femmes de se rendre dans les rares hôpitaux. Le gouvernement a instauré un couvre-feu entre 18 h et 6 h du matin. Même pour nous, organiser des transferts à l'hôpital Castor, pour celles qui ont des complications obstétricales ou gynécologiques, devient compliqué. Les ambulances aussi restent bloquées ou ne circulent pas la nuit.
« Pas dans une bulle »
Il faut en permanence s'adapter. Être aux aguets. Changer de route. Les attaques ne nous visent pas directement, mais il y a des moments tendus. Il nous arrive de devoir évacuer la clinique, après des menaces ou des tirs croisés très rapprochés.
Les expatriés logent dans une maison. Des conditions plutôt sommaires. Une trentaine pour une maison de sept pièces. On essaie de se reposer un maximum. Le soutien moral et la bonne ambiance sont primordiaux. Mais on n'est pas dans une bulle.
Je suis rentrée en Europe cinq semaines plus tard, en janvier. La situation à Bangui est catastrophique et les habitants vivent dans la terreur.
Ce qui m'a frappée, c'est la situation de détresse de ces femmes, qui accouchent à même le sol, sous les bâches, ou contre un arbre. Elles n'ont presque pas accès aux soins. Un certain nombre de femmes sont à menace d'avortement, qu'ils soient provoqués ou spontanés et la situation reste critique. Les équipes encore sur place font un travail considérable.
Malgré cela, les locaux restent positifs. Cette note d'espoir qui les accompagne en permanence est, pour les expats, une petite « capsule » de bonheur. »
Propos recueillis par Yann-Olivier BRICOMBERT.