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France/Monde – Témoignage

 

 

Centrafrique : "Les Séléka l'ont embarqué torturé puis abattu"

 

07/02/2014 05:36

 

Isolée à la frontière poreuse du Cameroun, une religieuse liée à une paroisse de Vendôme (Loir-et-Cher), témoigne de la violence et du chaos centrafricains.

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C'est un témoignage extrait du plus profond des forêts centrafricaines, loin des projecteurs de Bangui, la capitale, et de ses observateurs internationaux. Il vient de Berberati, deuxième ville du pays avec ses 100.000 habitants, poste frontière avec le Cameroun et siège d'un diocèse historique. Une religieuse italienne, sœur Elvira, le porte, au risque de représailles. Et c'est le père François Brossier, curé d'une paroisse de Vendôme (Loir-et-Cher), jumelée avec Berberati qui le relaie ces dernières heures.

 

Quoique tenue hors du périmètre conflictuel officiel – une absurdité que dénonce la religieuse – Berberati subit chaque jour davantage les effets de la guerre civile. Sœur Elvira en tient le greffe du mieux possible, dans l'hypothèse, un jour, d'un procès à la rwandaise« Dieu qui connaît tout, saura faire justice », espère-t-elle. Elle compose avec les menaces quotidiennes et les razzias des Seleka qui tiennent toujours cette partie du pays, celle des mines diamantifères. Responsable d'une ONG, Kizito œuvrant en faveur des enfants des rues, la religieuse s'arc-boute et résiste. Pour combien de temps ?

 

Son dernier courriel, daté de dimanche, évoque le repli, fin janvier et début février, du seigneur de la guerre local, le « général Saad », et de ses troupes.

 

Le vendredi 24 janvier, le général Saad annonce à la grande mosquée de Berberati son départ et l'abandon de sa "protection". Sept jours durant, nous voyons plus de vingt camions se remplir de musulmans, en majorité des femmes et des enfants avec leurs bagages. Ils partent, mais où ? Le Cameroun, le Tchad ?

 

Au même moment, des camionnettes militaires pleines de combattants Seleka armés et venant du reste du pays rejoignent Berberati. Ils sont un bon millier. Très vite, ils nous menacent, volent les véhicules, exigent encore et toujours plus d'argent. Ils arrêtent et torturent, laissant planer l'ombre d'un grand massacre. La population fuit vers la forêt et les autorités " légales " ne sont pas les dernières. Préfecture, mairie, écoles, gendarmeries… Tout est fermé ! Beaucoup de boutiques musulmanes ont liquidé leur marchandise.

 

« Faute de voitures, nous sommes bloqués, continue soeur Elvira. Impossible de prendre la relève de tous les services monopolisés par les Musulmans. La ville est à zéro, les Seleka ont tout razzié. Notre petite ONG Kizito en souffre aussi. Berberati est totalement oublié. Nous ne sommes pas dans le périmètre des événements. Par lâcheté, les autorités locales ont très tôt composé avec les milices étrangères, dissimulant leurs exactions. »

 

Ces exactions se poursuivent, note la religieuse :

 

Le 29 janvier vers 20 h 30, les Seleka ont embarqué un garçon de 17 ans. Il servait de chauffeur au général. Ils l'ont torturé, conduit à l'aéroport puis tué d'une rafale de seize balles. En dépit des risques, nous sommes partis récupérer le corps le lendemain pour procéder à son enterrement. Nous étions bouleversés.

 

Les mercenaires musulmans arraisonnent les véhicules et sœur Elvira redoute que son indispensable 4 X 4 lui soit ôté. Elle tente de s'enfuir et tombe sur un barrage de mercenaires.

 

 « Les Seleka nous entouraient. Je me voyais perdue. Puis, une voix, de l'intérieur de leur cabine, a ordonné le repli. Un peu plus tard, nous avons subi un nouveau contrôle avant de rentrer à la communauté, persuadés qu'ils viendraient nous y dépouiller. Nous avons vécu des heures de terreur, sollicitant la protection de la Misca, en vain. Elle nous a dit avoir été débordée. Nous avons su depuis qu'en quittant la ville, les Seleka incendiant les villages avaient subi un lourd accrochage et perdu l'un de leurs chefs, neveu du fameux général Saad. Berberati est aujourd'hui ville morte. Mais nous craignons l'irruption des " anti-balaka " (les milices villageoises chrétiennes). Ils étaient à moins de 100 km, samedi (1er février) ».

 

Des amis de plus de trente ans

 

Depuis sa paroisse vendômoise de la Trinité sainte Madeleine, le père François Brossier porte un œil vigilant sur l'actualité centrafricaine. D'abord parce que la communauté locale entretient depuis plus de trente ans des liens privilégiés avec l'évêché de Berberati. Ils tiennent à des projets éducatifs et de développement. Un dîner de charité, marquant le terme du carême, le 16 mars prochain, y contribuera cette année encore.

 

Mais l'implication du curé vendômois s'attache à une expérience plus personnelle. En 2008, sous le statut de prêtre « fidei donum » (détaché), François Brossier a apporté quelques mois son renfort aux sœurs de la Charité et aux religieux des paroisses environnantes. Quoiqu'étouffées, les tensions communautaires et confessionnelles s'y dessinaient déjà :

 

« Au sommet de la société, les musulmans tenaient le commerce et notamment celui des diamants que les chrétiens allaient chercher au fond de la mine. L'évêque avait tenté de bouger cette partition sociale et économique, en vain. Nos fidèles eux-mêmes l'acceptaient comme une fatalité historique présentant les musulmans comme les héritiers des Arabes, au temps de la traite négrière. »

 

Synthèse : Denis Daumin

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